Nous n’avons pas pu voir nos amis, mais nous pouvions voir n’importe quel livreur Amazon.
Nous ne pouvions pas nous asseoir dans les parcs mais nous pouvions être verbalisés par des policiers qui ne respectaient aucune mesure de sécurité.
Nous n’avons pas pu enterrer nos morts mais nous pouvions croiser des dizaines de personnes dans les supermarchés.
Nous venons de vivre les deux mois les plus hallucinés de notre vie. Si les effets dévastateurs du virus ont pu être limités c’est d’abord grâce aux précautions que nous avons prises et surtout au travail altruiste et déterminé du personnel soignant. Nos gouvernants, après avoir réduit les budgets et les capacités du système de soin de santé pendant trente ans, ont été incapables de prévoir l’arrivée de l’épidémie pourtant connue depuis décembre. Ils ont été incapables de prévoir les masques, les tests et tout le matériel nécessaire aux infirmières et médecins dans les hôpitaux. Ils n’ont pas réquistionné les hôtels vides pour héberger les malades à la sortie des hôpitaux. Ils n’ont pas été capables de sauver les personnes âgées dans les maisons de repos. Par contre, ils n’ont pas oublié de transférer l’ensemble des tests des laboratoires (semi-) publics vers l’industrie pharmaceutique.
Aujourd’hui, ces incapables prétendent continuer à nous imposer la manière de sortir du confinement : en relançant l’économie mais en continuant à interdire la reprise de la vie familiale, sociale et sensible, c’est à dire en faisant exactement l’inverse de ce qu’une politique sensée et humaine proposerait. Aujourd’hui, nous refusons de continuer à jouer le jeu :
Nous faisons plus confiance aux infirmières qu’aux ministres de la santé.
Nous faisons plus confiance aux caissières de supermarchés qu’aux patrons.
Nous faisons plus confiance aux éboueurs qu’aux journalistes.
Nous faisons plus confiance aux jeunes des quartiers populaires qu’aux policiers.
Nous faisons plus confiance à nos ami.es et à nos voisin.es qu’aux gouvernants.
Nous avons besoin de nous asseoir dans l’herbe et de laisser nos enfants jouer en plein air. Nous avons besoin que l’espace public soit à nouveau public. Nous avons besoin de nous retrouver, de nous rencontrer et de discuter. Nous avons besoin d’inventer de nouvelles solidarités et de nouvelles manières de vivre. Nous avons besoin de retrouver la confiance dans l’inconnu et la beauté sensible de nos existences.
Pour toutes ces raisons, nous nous retrouverons avec tous ceux et toutes celles que nous aimons, dans l’espace public, ou partout où nous jugerons bon de le faire, ce samedi 30 mai après-midi, et tous les suivants.